De la météo qui n'arrive qu'une fois par génération

« Une fois par génération » est un terme que nous avons entendu tous les quelques mois ces derniers temps en ce qui concerne la météo. Au cours des dernières années, rien qu’en Amérique du Nord, elle a été utilisée en référence aux vagues de chaleur et aux incendies dans l’Ouest, aux inondations dans le Midwest et le Nord-Est, aux ouragans dans le Sud-Est et au vortex polaire de 2019. Le tout dernier usage de cette expression est, bien sûr, la tempête hivernale qui frappe actuellement le Texas et de larges pans des États-Unis, et qui a plongé au moins 2,7 millions de personnes dans le noir, dans des maisons glaciales sans électricité le matin du 17 février dernier (ERCOT).

Il devrait être acquis que lorsque l’on discute des phénomènes météorologiques dans le temps, à un certain moment, cela fait partie d’un climat changeant. En se basant sur le fait que les changements climatiques continuent de progresser, il est évident que d’autres perturbations météorologiques qui devraient survenir seulement « une fois par génération » vont forcément se produire à court terme dans d’autres régions d’Amérique du Nord et du globe.

Non seulement la météo devient plus extrême, mais elle devient aussi plus difficile à prévoir. Comme le dit Jesse Jenkins, docteur en systèmes énergétiques à l’Université Princeton, « le passé n’est plus garant de l’avenir. Nous devons nous préparer beaucoup mieux à l’inattendu ». Cela signifie que nous devons mettre en place des mesures de résilience proactives à chaque point sensible. Des changements doivent être apportés tant aux infrastructures de réseau à grande échelle qu’aux foyers et aux entreprises en bordure du réseau.

Si on laisse de côté le jeu des reproches politiques qui se déroule actuellement, il est indéniable que l’infrastructure électrique actuelle (dominée par la production de combustibles fossiles) au Texas s’avère dangereusement inadaptée. Le territoire du réseau ERCOT (le réseau de la fiabilité électrique du Texas) n’est pas le seul à connaître ce problème, il se trouve justement qu’il est actuellement sous le microscope des médias.

La mise à niveau des infrastructures de réseau à grande échelle demande du temps et une volonté politique, mais cette mise à niveau est d’une importance capitale. La numérisation accrue des opérations du réseau est un bon point de départ. Toutefois, nous devons investir dans des domaines tels que le transport, le stockage d’énergie à long terme, les microréseaux de distribution et l’extension du déploiement d’équipements de production d’énergie propre équipés pour fonctionner dans des conditions climatiques extrêmes.

En périphérie du réseau, nous avons besoin d’une politique du gouvernement fédéral et des États qui rende abordable pour les propriétaires immobiliers l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le patrimoine bâti. Plus de bâtiments doivent installer des systèmes de stockage d’énergie solaire sur les toits et derrière les compteurs. Aussi, la conception des tarifs devrait récompenser ce comportement en permettant d’éviter les frais liés à la demande et à l’arbitrage de l’utilisation de l’énergie en fonction de l’heure. La mise en place de programmes tels que le raccordement des véhicules au réseau pourrait également faire une différence à long terme. Une grande partie de cette responsabilité repose sur les commissions de service public et les services publics, dont certains ont été beaucoup plus proactifs que d’autres (notons, particulièrement, l’intéressant cas du réseau Green Mountain Power).

Nous sommes beaucoup plus à l’aise dans un scénario où nous renforçons de manière excessive notre résilience que dans un autre où nous nous retrouvons sous-assurés. Nos options sont claires : nous pouvons dépenser de manière proactive pour moderniser les infrastructures, au risque de payer le prix fort à court terme, à un moment où la relance économique est cruellement nécessaire. Ou nous nous contentons de continuer à réagir à chaque crise météorologique extrême provoquée par le climat.

Chaque crise est unique, mais pour chacune d’entre elles, les coûts élevés liés à la réduction de l’activité économique, à l’inconfort personnel et aux dommages matériels sont le meilleur scénario. Au pire, il y a des pertes de vies humaines. Prenons donc l’initiative d’investir maintenant, de sorte que nos infrastructures soient suffisamment résistantes pour faire face à ces événements météorologiques constants, qui, dit-on, se produisent seulement « une fois par génération », et qu’elles soient suffisamment propres pour éviter de les aggraver.

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