Perspectives
août 17, 2020
Les réseaux à infrastructures physiques sont au cœur des systèmes d’énergie et de transport qui ont soutenu le monde industriel au cours des 100 dernières années. Le réseau électrique américain, par exemple, compte plus de 8 millions de kilomètres de lignes de transmission et de distribution reliant les générateurs d’électricité aux consommateurs, et plus de 3 millions de kilomètres de canalisation. Plus de 6 millions de kilomètres de routes permettent le déplacement quotidien de plus de 260 millions de véhicules américains. Au cours des 15 dernières années seulement, la Chine a construit 25 000 kilomètres de trains à grande vitesse qui ont permis le déplacement de plus de 1,7 milliard de personnes en 2017 seulement.
Ces réseaux sont le fruit de principes de conception de l’infrastructure du XXe siècle, qui reposent sur une planification descendante, un commandement et un contrôle centralisés et une prestation de services unidirectionnels. Les utilisateurs de ces réseaux consommaient passivement tout service d’énergie ou de transport qui leur était offert (souvent par des monopoles réglementés). En fait, d’énormes écosystèmes industriels et d’investissement sont apparus pour construire et financer séparément les réseaux physiques de distribution (construction, équipement et capital d’infrastructure) et les produits permettant aux consommateurs d’accéder aux services sur ces réseaux (appareils, véhicules et financement des consommateurs). Pour le meilleur ou pour le pire, cela a créé des industries de l’énergie et des transports qui n’interagissaient pas beaucoup avec leurs propres consommateurs, en grande partie parce qu’elles ne pouvaient pas le faire dans un monde analogique.
La tendance à la numérisation qui a transformé des industries telles que les médias, les communications et le commerce de détail au début du XXIe siècle se manifeste maintenant dans les secteurs de l’énergie et des transports. Ces secteurs sont d’abord et avant tout poussés par la technologie : la prolifération des communications sans fil à faible coût, les capteurs, l’analyse des données et les capacités de l’intelligence artificielle. Les nouveaux services et modèles d’affaires tels que le covoiturage et la génération d’électricité distribuée effacent progressivement le modèle de réseau traditionnel en plaçant le consommateur final au centre du processus décisionnel et en augmentant son niveau de choix. Les technologies numériques forcent les réseaux unidirectionnels descendants à évoluer vers des réseaux dynamiques, décentralisés et multidirectionnels, comme l’Internet.
Dans le domaine des transports, cela signifie que les feux de circulation doivent s’adapter en temps réel aux besoins des voitures, des piétons et des cyclistes à l’intersection. Cela veut dire que les voitures communiqueront avec les infrastructures routières et avec les autres voitures. Dans le domaine de l’énergie, cela signifie que les propriétaires produisent leur propre électricité sur place grâce à l’énergie solaire et au stockage sur batterie. Dans ce nouveau paradigme de l’énergie et du transport, les utilisateurs finaux sont le réseau, et leurs choix et comportements sont le véritable moteur du changement. Et le combustible de ce nouveau paradigme sont les données.
Au fur et à mesure que ces réseaux deviennent plus numériques, décentralisés et réactifs, ils deviennent aussi plus complexes, un ensemble de millions de choix et d’actions individuels en temps réel qui doivent se transformer en un tout cohérent. Cela ne serait pas possible sans les récentes avancées en matière de puissance de calcul et d’analyse de données qui permettent la création, le traitement et l’analyse d’énormes quantités de données en temps réel. Les couches numériques de ces réseaux deviennent aussi importantes que les couches physiques pour assurer leur bon fonctionnement.
Pour ceux qui ont participé à la construction et à l’exploitation de réseaux traditionnels d’énergie et de transport, cela signifie qu’il faut s’adapter à un monde où l’engagement des consommateurs et l’innovation numérique deviennent des éléments essentiels de leurs activités. Pour les entreprises qui ont vendu des produits tels que des véhicules et des appareils aux consommateurs sur une base ponctuelle, cela signifie qu’il faut s’adapter à un monde où le nouveau service réseau et ses données pourraient devenir plus précieux que l’infrastructure physique elle-même. Ce type de changement transformateur n’est toutefois pas toujours facile pour les grandes organisations en place, cependant, dans bien des cas, ce sont des entreprises plus petites et plus dynamiques émergeant dans ces secteurs qui ouvriront la voie.
Les frontières entre l’infrastructure et la technologie s’estompent de plus en plus chaque jour, et les règles empiriques appliquées dans les approches traditionnelles d’investissement dans l’énergie et les transports deviennent moins pertinentes. Les nouveaux réseaux sont des modèles hybrides à la jonction de l’infrastructure et de la technologie, et la communauté financière doit briser les barrières traditionnelles pour rentabiliser les nouvelles opportunités que cela crée. Il devient de plus en plus risqué d’investir dans des infrastructures physiques à grande échelle sans être conscient des perturbations du réseau causées par les technologies numériques. En retour, il est risqué d’investir dans des technologies dans les secteurs de l’énergie et des transports sans être conscient des réalités des marchés des services essentiels, comme la réglementation et les préoccupations en matière de sécurité, et à quel point cela est fondamentalement différent de fournir des applications aux consommateurs par l’Internet.
S’agit-il de l’infrastructure ? S’agit-il de la technologie ? Les deux, et en même temps quelque chose de nouveau. Chez MKB, nous nous concentrons sur les entreprises qui utilisent des technologies numériques pour construire et exploiter ces nouveaux réseaux et fournir une toute nouvelle catégorie de services énergétiques et de transport aux citoyens et aux consommateurs.